Harcèlement scolaire : Basculer l’inconfort en devenant plus fort ! par Marina Blanchart

L’approche systémique que nous pratiquons nous conduit à observer les personnes qui nous consultent en prenant du recul. Nous tentons de les regarder vivre dans le système qui leur pose un problème. Il peut s’agir de leur lieu de travail, de la famille, de l’école ou de tout contexte auquel nous sommes confrontés dans notre quotidien.

Quand il s’agit d’un contexte de harcèlement scolaire, il nous semble effectivement capital de bien cerner ce qui se passe. Notre questionnement sera extrêmement concret avec le jeune ou l’enfant qui consulte, nous souhaitons presque vivre dans ses baskets pour bien saisir comment cela se joue. Il s’agit pour nous d’identifier ce qui a déjà été mis en place et comment cela a fonctionné ou non afin d’ouvrir de nouvelles pistes de réaction.

D’abord, nous allons voir si d’autres personnes sont intervenues afin de faire le tour des ressources et des « ennemis » de celui qui vit le harcèlement. L’intervention d’un parent ou d’un professeur peut être très aidante et solutionner le problème ou au contraire se retourner contre l’enfant ou l’adolescent harcelé.

Lorsqu’un adulte intervient, cela peut en effet provoquer un arrêt du harcèlement car l’enfant qui agressait prend conscience de la souffrance de l’autre ou car il a peur des sanctions. Par ailleurs, cela peut aussi le renforcer s’il en veut davantage à l’enfant qui a demandé l’aide de l’adulte, s’il le traite de « balance » ou que ses moqueries sont renforcées par l’incapacité de l’autre à se défendre.

Une autre conséquence de l’intervention de l’adulte, quel qu’en soit le résultat, peut être justement ce message implicite pour l’enfant harcelé : « si l’adulte doit intervenir, c’est que je suis incapable de me défendre ». Nous travaillons donc prioritairement à apprendre à l’enfant à se défendre et à se positionner différemment afin de renforcer son estime de lui-même.

Ce travail va se faire en plusieurs séances. Nous allons essayer de bien cerner avec lui ce qui se passe et comment il est agressé, ce qui est dit, par qui, avec quelles personnes présentes… et nous allons lui demander de chercher les points faibles de l’ennemi qui en a toujours.

Un moment important est celui où nous lui posons cette question :
« quel serait l’avantage pour l’autre de changer ? d’être gentil ? d’être respectueux ? »

Et malheureusement, le plus souvent, on n’en trouve pas…

Et l’être humain est ainsi fait que si la situation présente est plus confortable, il ne va pas aller vers le changement, alors là, pas du tout !

Cette prise de conscience est difficile, s’il n’a pas d’inconfort à la situation actuelle, il ne changera pas.

Nous proposons donc à notre patient de lui mettre un inconfort… et là, nous avons souvent un joli sourire qui nous dit que ce serait vraiment une chouette idée ! Si cela devient dérangeant pour celui qui harcèle d’harceler, il s’arrêtera.

C’est vrai que cela semble injuste que ce soit celui qui souffre qui doive consulter et mettre de l’énergie pour que cela change, il subit souvent la situation depuis déjà un certain temps et il semble évident que c’est l’autre qui a un problème de comportement. D’autre part, celui qui va y gagner en force, en répartie, en estime de lui, ce sera l’ancienne victime ! Il en ressortira grand vainqueur et l’autre sera remis à sa place.

Bien évidemment, rien n’empêche de travailler par l’autre bout de la relation, avec celui qui harcèle mais il est clair qu’il n’est pas forcément demandeur et qu’il y a des risques d’y mettre beaucoup d’énergie pour peu de résultat et celui qui est victime n’aura pas alors cette occasion de vivre une expérience de renforcement de son estime de lui.

A partir du moment où nous connaissons « l’ennemi », nous allons pouvoir commencer à armer notre nouveau chevalier. Il est important de lui expliquer que ce sera juste pour se défendre, jamais pour attaquer car il sait combien cela fait mal ! Mais il va se préparer à un nouveau petit ou grand combat de défense. On va l’aider à faire de l’Aïkido relationnel : utiliser la force de l’autre pour se défendre.

Nous le préparons, nous nous exerçons ensemble et nous lui proposons de s’exercer chez lui avec un parent ou devant le miroir pour muscler sa défense.

Enfin, il sort, d’une deuxième ou d’une troisième séance, prêt à faire face à l’ennemi, il se sent plus fort.

Les parents témoignent souvent d’une nouvelle démarche en allant vers l’école.

Et il est intéressant de constater que ce changement de posture va souvent déjà suffire pour arrêter le jeu relationnel. Celui qui harcèle sait bien quelle proie choisir et il va sentir un enfant ou un jeune plus armé et ne plus poursuivre. C’est aussi vrai pour les adultes qui souffrent de harcèlement.

L’enfant revient donc en consultation tout fier d’avoir pu se défendre ou au contraire dépité de ne pas en avoir eu l’occasion faute d’attaque.

Pour certains, ils ont même utilisé leur arme pour en défendre un autre qui se faisait agresser par le même ennemi. Quelle fierté et quelle satisfaction !

On peut facilement imaginer comment leur image d’eux-mêmes est nourrie positivement par cette expérience. Nous grandissons pas les expériences que nous faisons et notre travail avec le modèle systémique de Palo Alto est vraiment de permettre à nos patients plus ou moins jeunes d’en faire de nouvelles qui les aideront à grandir et à faire face différemment aux situations difficiles auxquelles la vie nous confronte.