Phobies Scolaires ou décrochage scolaire par Luc Descamps L’importance des maux
Souvent dans mon cabinet j’entends : « A quoi ça sert de s’asseoir toute la journée sur une chaise alors que j’ai tout sur internet », « Je n’ai pas d’énergie, je suis crevé, arrêtez de me faire chier », « les profs sont plombants, ils sont inintéressants, ils me parlent mal… », « Je n’ai simplement pas envie, je ne vois pas pourquoi on m’obligerait … », « Mon enfant souffre de phobie scolaire… »
En ma qualité d’intervenant social dans un service d’aide à la jeunesse et de thérapeute, j’observe régulièrement une confusion de diagnostic entre la phobie scolaire et le décrochage scolaire. Cette confusion est souvent le fait des parents et étonnamment aussi celle des professeurs. Les jeunes peuvent être amenés à en profiter. Les mots sont importants parce qu’ils vont amener des réponses différentes en fonction des maux dont souffre le jeune.
Les professionnels du monde scolaire et de l’aide à la jeunesse s’accordent pour constater une augmentation notoire des jeunes en décrochage scolaire c’est-à-dire des jeunes accumulant un nombre de jours d’absences importants amenant à devenir, d’abord élèves libres, et ensuite être désinscrits de l’école. Lorsque nous interrogeons ces jeunes, ils témoignent d’un désinvestissement scolaire, d’un désintérêt, d’une flemme et de perte de sens.
« A quoi ça sert de s’asseoir toute la journée sur une chaise alors que j’ai tout sur internet », « Je n’ai pas d’énergie, je suis crevé, arrêtez de me faire chier », « les profs sont plombants, ils sont inintéressants, ils me parlent mal… », « Je n’ai simplement pas envie, je ne vois pas pourquoi on m’obligerait … » sont souvent des phrases que j’entends lors de mes consultations. Dans certaines de ces situations, j’entends des parents me dire : « mon enfant a la phobie scolaire ! ».
L'adolescence est une période de transition où des changements importants se produisent dans le cerveau. A cet âge, le lobe frontal, responsable de l'autorégulation, du raisonnement et de la prise de décision, est en développement. En revanche, le lobe limbique, qui gère les émotions, est particulièrement actif. Ce déséquilibre entre ces deux régions cérébrales explique en partie les comportements impulsifs et les fluctuations émotionnelles caractéristiques de l'adolescence. Le lobe frontal, qui aide normalement à modérer les réactions émotionnelles, n'étant pas pleinement fonctionnel, les adolescents peuvent avoir plus de difficultés à contrôler leurs émotions. Ils sont ainsi plus susceptibles de réagir de manière intense à des situations, parfois sans prendre en compte les conséquences à long terme. En parallèle, le lobe limbique leur permet de vivre des émotions très fortes, notamment liées à l'identité, aux relations sociales et à la recherche de sensations. Ce décalage entre la maturation des différentes régions cérébrales contribue à la complexité de cette période de la vie.
Pour mieux comprendre et appréhender le phénomène de la phobie scolaire et du décrochage scolaire, revenons-en à la définition. Nous pouvons considérer la phobie scolaire comme un trouble de l’anxiété affectant les enfants en âge d’aller à l’école et qui occasionne des réactions très vives de peur intense et de panique quand on essaie de l’y forcer. Les personnes atteintes de ce type de phobie ont une impression d’isolement et risquent d’avoir une image dégradée d'elles-mêmes. Un cercle vicieux va alors se développer. Elles vont prétendre être malade pour ne pas devoir aller à l’école. Elles vont aussi refuser de pratiquer des activités extra-scolaires, ce qui va engendrer une désocialisation progressive.
Le décrochage scolaire est un processus qui conduit l’élève à ne plus suivre les cours et à quitter sa formation par manque d’aspiration scolaire, par des difficultés d’apprentissages, des retards, par des absences répétées, par un manque de motivation, d’énergie et par perte de sens.
La phobie scolaire concerne des questions relatives à la santé mentale des jeunes, à des troubles anxieux amenant à des crises de panique et à des souffrances physiques. Tandis que le décrochage scolaire correspond à des difficultés d’adaptation comportementale relatives à un lieu engendrant d’importantes frustrations.
L’intention n’est pas de juger l’un et l’autre mais bien de proposer des pistes d’intervention différentes. Dans ma pratique clinique, si je suis persuadé que le décrochage scolaire est en nette augmentation, je ne pense pas qu’il y ait fondamentalement plus de phobies scolaires ces 25 dernières années. C’est plus le monde qui a changé. L’école a évolué bien moins vite que la société. La chambre est devenue un espace de vie soi-disant ouvert sur le monde grâce au smartphone. L’individualisme versus égocentrisme s’est accru. Avec les réseaux sociaux, les frontières ont disparu. On ramène les problèmes de l’école à la maison. Les communautés sont plus actives dans le monde virtuel que le monde réel. Les parents ont parfois plus tendance à protéger leurs enfants qu’à les éduquer. Le rapport aux frustrations a évolué. Le sens de l’effort aussi. Les plaisirs sont plus immédiats et le consumérisme fait la loi.
Nous vivons dans un monde complexe et il y a lieu d’adapter nos réponses à chaque situation.
La phobie scolaire nécessite un accompagnement par des professionnels de la santé. La consultation d’un thérapeute ou d’un pédopsychiatre est indispensable. La guérison sera lente et nécessitera un cadre soutenant et bienveillant. Les réponses devront être non jugeantes, douces et peu coercitives. L’émotion qui accompagne la phobie scolaire est la peur paralysante qui conduit à l’isolement et à la paranoïa. Il faudra faire preuve de patience et accepter que la guérison vienne par étape, par petite touche en retournant progressivement vers l’école pour s’y réaccoutumer avec des certificats médicaux progressifs.
La réponse au décrochage scolaire sera d’autant plus efficace qu’elle sera rapide et cadrante. Elle peut faire l’objet de consultation auprès d’un thérapeute ou d’un intervenant psycho-sociale mais elle doit aussi être menée par les éducateurs les plus proches à savoir les parents. Il sera intéressant de travailler l’orientation du jeune. Souligner ses talents, ses compétences et chercher avec lui des projets où il pourra les exercer. S’il est important de pouvoir rejoindre le jeune, il me paraît essentiel de pouvoir le confronter. De le questionner sur la situation. Pourquoi ne va-t-il pas à l’école. Qu’est-ce qu’il va mettre en place s’il n’y va pas. Il a besoin d’un contenant et de contenu. Il faudra le mobiliser. Lui expliquer que l’école est un espace d’apprentissage et de socialisation. S’il n’y va pas, il faudra nécessairement qu’il propose une alternative où il y aura de l’apprentissage et du relationnel. S’il n’en propose pas, il devra savoir que ça lui sera imposé. Il faudra oser le conflit, la confrontation bienveillante. Souvent, les jeunes en décrochage scolaire sont animés par la colère. Il faudra utiliser cette colère comme un levier de changement et d’évolution. Il arrive que les parents, face à la colère de leurs adolescents, sont gagnés par la peur et fuient leurs responsabilités. Il faudra pourtant faire preuve d’un savant mélange de compassion et de confrontation tout en reconnaissant leur démotivation et leurs difficultés.
Vous n’êtes pas seuls. Proche de chez vous des associations telles que les AMO ou des centres thérapeutiques orientés « solution » peuvent vous aider.
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